AS Dragon - Natasha Forever

Publié le par Cissie Blues

C'était l'été 2004. Je rentrais à peine de Rennes et je cherchais ce que j'allais bien pouvoir faire pour la fête de la musique à présent que j'étais de retour à Paris. J'appelai donc une amie et lui proposai le concert d'AS Dragon place Denfert-Rochereau. 

Je ne connaissais rien de ce groupe, excepté le morceau Mais Pas Chez Moi qui passait sur Le Mouv' et que j'avais entendu quelques fois dans mon studio rennais. Mais on m'avait dit beaucoup de bien de leur jeu de scène et c'est ce qui m'avait décidée. 

Arrivées sur place, il pleuvait un peu (comme toujours ou presque le 21 juin) et la morosité régnait. Les premiers groupes n'arrivèrent pas à soulever l'enthousiasme de la foule compacte et nous commencions à désespérer lorsqu'ils firent leur apparition. Je dis "ils" mais je pense elle, car ce n'est pas cette fois que je fis attention aux autres membres du groupe. Elle irradiait littéralement. De nombreux groupes de jeunes hommes hurlèrent son nom à son entrée sur scène : Natasha. 

 



Vêtue d'un jean basique et d'une veste en velours qu'elle semblait porter à même la peau, avec sa coupe étrange, mi garçonne, mi Jeanne d'Arc, elle détonnait au milieu de ses musiciens exclusivement masculins.
 

Agrippée au micro comme si sa vie en dépendait, elle se lança dans l'une de ses prestations époustouflantes avec une ferveur telle que j'en fus estomaquée. Qui était cette fille dont j'avais à peine entendu parler ? 

Les morceaux, tous plus efficaces les uns que les autres se succédèrent à un rythme effréné. Elle semblait plutôt ivre et gesticulait dans tous les sens sans perdre le sens de la mesure ni de la démesure. Ce qui me frappa surtout ce jour là, c'est que j'eus l'impression que son long corps maigre était élastique. Esquissant quelques danses faussement sensuelles avec une désinvolture et un naturel incroyable, elle bondissait de gauche à droite la minute d'après sans transition en toisant le public de son regard acier méprisant. 
 



Le concert s'acheva sur le titre phare Spank on me pendant lequel Natasha ôta sa veste et découvrit sa poitrine minuscule, ornée de deux croix noires tracées au ruban adhésif sur son corps squelettique tout en se fessant elle-même sans pudeur au beau milieu d'une féroce explosion de grimaces et en soupirant de façon suggestive comme une damnée. Un bouquet final à la hauteur de sa réputation. Tous les hommes de l'assemblée avaient envie de coucher avec elle et toutes les filles de lui ressembler (ou de devenir lesbiennes).
 

Je sortis de là subjuguée. Un petit tour sur Internet et à la médiathèque plus tard, je me procurais donc ma nouvelle obsession : l'album Spanked. Entre temps, j'avais appris qu'AS Dragon, pur produit made in Tricatel, avait servi d'orchestre à Houellebecq puis à Burgalat avant de recruter cet ovni sorti de nulle part : Natasha. Ex-danseuse, cette jeune russe que rien ne prédisposait à chanter dans un groupe avait d'abord traîné dans leur entourage avant de s'imposer comme leur futur leader et de les tirer vers le haut. 



La nouvelle se répandait sur Internet comme une trainée de poudre. Les internautes qui assistaient aux concerts d'AS Dragon dans les festivals estivaux des quatre coins de la France à cette époque n'en ressortaient pas indemnes et répandaient la bonne nouvelle : il existait une relève du rock français. Et si l'album n'avait pas été écrit pour elle, Natasha se l'était plus qu'approprié en un rien de temps. 

Deux semaines plus tard, première visite de ma vie à "Paris Plage" pour voir AS Dragon. J'avais eu le temps d'apprendre tous les titres par cœur et j'étais idéalement placée. Ce jour-là comme lors de tous les concerts d'AS Dragon que j'eus l'occasion de voir dans l'année qui suivit, Natasha faisait la gueule et avait l’air de souffrir d’un ennui mortel. Elle semblait au bout du rouleau à son arrivée sur scène et réclama à boire. Lorsqu'un technicien lui tendit une bouteille d'eau, elle s'exclama : "Nan ! J'veux de la vodka !". 

Une fois sa requête exaucée, c'était parti. Le spectacle recommença. C'était encore plus sauvage, encore plus violent que la première fois et les titres Dirty et Spank on Me remportèrent une nouvelle fois un succès bien mérité. A un moment, elle s'adressa à un jeune fan collé contre la barrière de sécurité et qui réclamait depuis une bonne demi-heure "A poil, Natasha !" et lui fit signe de monter la rejoindre sur scène en lui disant "Non, toi d'abord". N'en croyant pas ses yeux, le gamin sembla hésiter quelques instants, mais poussé par ses amis et les encouragements muets de la chanteuse, il finit par escalader la barrière avant d'être rattrapé par les vigiles attentifs qui le rejetèrent dans la foule avec un cruel "Tu te mets à poil si tu veux, mais au milieu de la foule".

 

 

 

 

L'année suivante sortit le second album d'AS Dragon avec Natasha, le bien nommé "Va chercher la Police", emporté par le très efficace single Comme je suis. A la différence du précédent, cet opus avait été en grande partie écrit par la chanteuse, hormis trois titres signés par sa copine Virginie Despentes rt il sonnait résolument plus eighties. 




Cette dernière était d'ailleurs présente lors de l'une des premières soirées de présentation du nouvel album, au Tamanoir
à Gennevilliers. Plus déchaînée que jamais, Natasha finit en transe, à prendre des coups de martinet bien sentis sur sa peau d'albâtre, toujours pendant le sulfureux Spank on Me. Les textes, bien plus soignés que sur Spanked firent mouche. Son charisme semblait ne jamais devoir finir de toucher les gens. 

AS Dragon était partout, les couvertures de magazines rock et les articles élogieux s'enchaînaient à une vitesse folle et les échos de concerts n'en finissaient plus de chanter leurs louanges. Je les ai moi-même vus se produire près d'une dizaine de fois en un peu plus d'un an (presque toujours gratuitement) et je ne m'en lassais pas. 

L'attention médiatique retombée, ce fut pourtant presque dans l'indifférence générale que Natasha annonça qu'elle quittait le groupe en 2007. Si l'on ne sait pas encore ce qu'il adviendra du groupe qui semble pourtant avoir trouvé son nouveau leader après le grand concours lancé sur Myspace l'an dernier, Natasha, elle, se lance dans une carrière solo. Deux titres, "Bang" et "Relax" sont d'ailleurs déjà en écoute sur sa propre page Myspace et elle les a inaugurés dernièrement au Gibus.  

Et bien entendu, la magie a opéré à nouveau. Et l'androgyne Natasha a repris son envolée pour tenter de devenir le pendant féminin de ses idoles, les Stooges. Je ne suis pas encore totalement convaincue par ses morceaux en solo mais je n’attends déjà plus qu'une chose : la revoir sur scène. Vite.

Publié dans Portraits

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Z
<br /> Natacha n'est autre que ma première amoureuse (à Marseille, avant qu'elle ne déménage pour Paname)...de quand j'avais 10 ans ! Dingue de découvrir sa carrière et nos goûts musicaux en commun (les<br /> Stooges que je vénère itou). En tout cas à 10 ans, elle avait exactement la même tête (et les mêmes seins arf arf)et était une adorable petite garçonne. Je garde un souvenir vraiment tendre de<br /> cette petite blonde qui adorait l'équitation et les garçons. Une vraiment gentille fille, prévenante, bien élevée et rigolote. On s'est envoyés quelques petites lettres d'enfant puis pshitt. C'est<br /> drôle la vie. Quand je vois la bête de scène, j'hallucine. Bien envie de lui envoyer un de mes textes coquins...<br /> <br /> <br />
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C
Je n'ai pas vu Natasha, son concert a été annulé... Elle est passée quelques jours plus tard chez Régine mais bon... Je n'étais pas prête à tout quand-même ! Ceci dit, cette fille est tout sauf charmante. Elle est magnétique ;-).<br /> <br /> J'ai écouté Control Club. Ca attire l'oreille, mais je demande à en entendre plus pour être convaincue.
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N
Les mecs d'AS dragon eux ont monté un autre groupe "Control Club" et ça déménage! http://www.myspace.com/controlclub <br /> Par contre la prestation de Natasha j'ai trouvé ça moyen, oh elle est toujours charmante mais je trouve que l'alchimie était avec AS Dragon, dommage.....
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K
AS Dragon était partout et dans les Landes, début 00's le rock n'existait quasiment pas et les pionniers commençaient à s'abonner à internet.<br /> Le groupe quasi inconnu est venu à St Sever pour une affiche comme on en a rarement chez nous. Une partie du public est là pour Miossec, les autres pour Asian Dub Foundation, tous vont prendre AS Dragon dans les dents. Natasha est malade et soigne sa gorge à l'armagnac. Elle est détachée et sauvage, magnétise les uns et pétrifie les autres, personne n'était prêt pour ça ...
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T
Très, très bel hommage. Je confirme que tout homme hétérosexuel ayant vu le groupe sur scène a eu envie de coucher avec Natasha, tant elle dégage une aura absolument furieuse, dangereuse, sexy... les mots manquent.<br /> En ce qui me concerne je ne suis pas convaincu non plus par ce qu'on entend sur son space, mais difficile de juger sur deux morceaux. Avec un tel charisme, une présence si exceptionnelle et deux albums de ce niveau derrière elle (surtout le dernier) il serait d'autant plus terrible de découvrir aujourd'hui qu'elle n'était rien sans AS Dragon...
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