Et Pete refusait de lâcher sa guitare - Fête de l'Huma 2008
Après presque deux mois sans concerts (The Rodeo la semaine dernière mis à part) , j'avais choisi ce week-end, le week-end de mon anniversaire (et celui d'Amy) pour reprendre la saison. Avant de retrouver Natasha le 4 octobre à la Flèche d'Or et Dionysos au Zénith le 3 novembre, je me suis donc tournée vers une valeur sûre : la traditionnelle Fête de l'Huma.
Je m'étais pourtant juré l'année dernière, devant l'hystérie provoquée par la venue d'Iggy Pop, de ne plus jamais mettre les pieds chez mes amis communistes, mais c'était sans compter sur une affiche alléchante à souhait, du moins pour la journée de samedi. Si je suis un peu déçue de n'avoir pas pu voir N.E.R.D vendredi soir, Thomas Dutronc, Arno ou Cali m'ont moins manqué.
Après un petit tour de reconnaissance rapide sur les lieux, et alors que la pluie faisait son apparition (une sorte de tradition, ça aussi), nous avons enfin trouvé une place de choix devant la grande scène pour assister au spectacle magistral donné par un Alain Bashung visiblement heureux d'être là. Il débuta sa prestation assis sur un tabouret avec sa guitare en bandoulière, et nous promit un set équilibré, entre extraits de son dernier album Bleu Pétrole que nous ne connaissions pas et anciens tubes.
Si sa voix puissante ne suffit pas à calmer immédiatement les papotages d'une foule agitée et mobile, elle prit néanmoins rapidement le dessus et réussit à conquérir l'assistance. Même des musiciens qui l'accompagnaient émanait un profond respect. On pouvait vraiment sentir l'admiration qu'ils portaient à l'Homme et à sa musique et son charisme eut finalement raison des derniers bavards. Du coup, en fermant les yeux dans les bras de mon amoureux, j'eus vraiment l'impression que Bashung jouait pour nous deux et que nous étions seuls au monde (fait assez rare à la Fête de l'Huma pour être souligné !).
Le bal s'ouvrit donc vers 19h00 avec Comme un Lego et nous promena de Je t'ai manqué à Volontaire, de Vénus à Hier à Sousse tout en distillant régulièrement pour réveiller l'auditoire les très attendus La nuit Je mens, Osez Joséphine et Vertige de l'amour qui furent repris en coeur, comme on pouvait s'y attendre. Les morceaux s'enchaînèrent à une vitesse telle que lorsque le groupe quitta la scène près d'une heure plus tard, nous restâmes sur un sentiment de frustration que le trop court rappel ne suffit pas à apaiser, malgré lun joli duo du chanteur et de sa compagne Chloé, et le magnifique Madame Rêve qui laissa là encore le public sans voix.
Et c'est tout sourire, et sous des salves d'applaudissement qu'Alain Bashung repartit dans les coulisses, en n'oubliant pas de remercier chaleureusement son public.
Soudain, pendant l'intermède publicitaire diffusé sur les écrans (et à la gloire du parti, bien sûr), l'ambiance changea radicalement. Les spectateurs presque sages et courtois laissèrent place à plusieurs vagues successives d'ados en furie affublées de chapeaux (noirs la plupart du temps, mais chacune avait fait avec ses moyens) et armées de portables pour prendre en photo leur idole (on comprend difficilement pourquoi) : Pete Doherty accompagné ce soir par ses Babyshambles. Peut-être était-ce dû au fait que nous étions assez proches des barrières de sécurité, mais il s'avérait de plus en plus difficile d'apercevoir un représentant du sexe masculin dans un périmètre de dix ou vingt mètres autour de nous.
Il faut savoir que les groupies du rocker britannique ne connaissent pas, contrairement à leurs aînés, la politesse, le savoir-vivre ni la discrétion. Bousculer quinze fois des gens pour trouver la meilleure place possible quitte à passer pas loin de deux paires de claques de temps en temps ne les dérange pas le plus que piétiner quiconque s'approche trop près d'elles, et leur en faire la remarque aurait sans nul doute déclenché l'incompréhension la plus totale, car quand Pete est là, on oublie tout.
C'était à peu près le fil que suivait ma réflexion lorsque Pete Doherty himself déboula tel le messie (sans chapeau, misère !), alors que tous ses musiciens et ses deux chanteuses avaient déjà pris place sur la scène pour entonner avec lui La Belle et la Bête. Et puis, moi aussi, j'oubliai tout ou presque, moi aussi j'avais 14 ans (bon, les cris suraigüs en moins) et je me mis à sauter au milieu de la foule. Tout le monde chantait, criait, sautait, tapait des mains et la température extérieure remonta d'au moins cinq degrés en l'espace de quelques secondes.
Coup de chance, après une mise en place un peu chaotique, Pete et ses musiciens réussirent à recadrer leur énergie et à jouer presque juste pendant toute la durée du concert. Bon, ok, j'ai certainement tendance à être plus indulgente avec eux qu'avec un autre groupe me direz-vous, et vous avez sans doute raison, mais lorsque que comme moi on a eu la malchance de louper un concert de Pete récemment pour une raison X ou Y, on sait apprécier la chance que l'on a de le voir finalement, surtout s'il est en forme, ce qui était le cas hier.
Et puis, le set était en place, les musiciens presque carrés (quoi qu'en dise Pete qui réclama un à l'assemblée un batteur en début de concert) et quand les premières notes de Carry up in the Morning résonnèrent, je n'avais déjà plus de doutes sur le fait que nous allions assister à quelque chose de rare : une belle prestation de Babyshambles. Le public, qui semblait ne jamais devoir s'arrêter de s'époumonner fut pris de court par une chanson inconnue et put reprendre son souffle après un Delivery endiablé.

Peter avait volontairement choisi de calmer le jeu, puisqu'il poursuivit sur sa lancée avec the Blinding (alors les groupies, on n'a pas téléchargé l'EP ??) et Sedative ce qui ne manqua pas de calmer le jeu. Et puis vint l'escalade avec Pipedown, Killamanjaro et la ferveur de la foule montait en puissance. Alors quand une version d'Albion avec harmonica rententit et provoqua un murmure d'approbation général, cela recommença : je n'étais plus à la Fête de l'Huma, non, là, dans les bras de ma moitié, je me trouvais à un concert en plein air de Babyshambles, en Angleterre et nous étions tous les deux suspendus à la voix assurée de Pete Doherty.
Ce dernier, visiblement en pleine possession de ses moyens, montait en équilibre (oui, j'ai bien dit en équilibre) sur les amplis fixés sur le devant de la scène, se rapprochait de plus en plus de ses groupies en mal de sensation, faisait des tours sur lui-même, tirant le fil de son micro à son maximum, bref, se donnait sans compter.
Non content de son effet, le chanteur se laissait porter par les encouragements de la foule et faisait de plus en plus traîner ses morceaux en longueur, ce qui n'était pas du goût de tout le monde puisque l'heure tournait et que nous n'étions pas en Angleterre à un concert des Babyshambles, mais bien à la Fête de l'Huma, et que Roger Hodgson devait bientôt venir prendre la relève sur la scène.

Alors, lorsque le chanteur s'assit et commença à gratter à nouveau sa guitare en réfléchissant visiblement à ce qu'allait être son prochain morceau, un technicien fit irruption à côté de lui pour lui retirer son instrument. Il nous jeta alors un petit regard mi-désolé, mi-amusé et sourit, et c'est le moment que choisirent ses musiciens pour faire retentir les premiers accords d'un Fuck Forever qui déchaîna littéralement la foule. Et Pete chanta de façon remarquable, poussant même des cris parfois étonnamment longs pour quelqu'un ayant sa capacité pulmonaire.
Et il finit tout de même par nous quitter puisqu'il était privé de rappel, en nous laissant épuisés et souffrant de maux divers (hélas, nous n'avons plus 14 ans), mais heureux d'avoir assisté à un show de cette qualité, alors que nous n'en espérions pas tant.
Qu'on se le dise, Pete Doherty est loin d'être mort, et nous devrions encore entendre parler de lui pendant quelques années.