Un flegme fluctuant - Jarvis Cocker au Bataclan le 4 juin 2009
Je repousse cet article depuis déjà presque une semaine, croulant sous le travail et la paresse. Pourquoi ? La qualité du concert serait-elle à mettre en doute ? Pas le moins du monde.
Je n'avais mis les pieds au Bataclan qu'une seule fois, et même pas pour un concert. C'est pourtant regrettable tant l'architecture de la salle est originale et s'accorde admirablement avec l'artiste dont j'ai pu admirer le talent la semaine dernière.
Arrivée suffisamment tôt pour assister à la première partie assurée par The Legendary Tiger Man qui m'intriguait assez, j'ai cependant cédé aux appels de la terrasse voisine avec mon cher et tendre pour profiter un peu du soleil et d'un moment de détente avant d'investir les lieux. La salle s'est alors rapidement remplie sans jamais menacer de craquer et le concert commença.
Fidèle à son image de dandy, Jarvis Cocker foula la scène dans un costume, avec une veste, une cravate, ses petites lunettes carrées et ses cinq musiciens. Installé à Paris depuis 6 ans, le chanteur tenta de s'exprimer dans notre langue pendant la majorité du concert, avec plus ou moins de succès. il s'en excusa d'ailleurs auprès de nous car il jugeait cela honteux.
Il ouvrit le spectacle avec Pilchard, extrait de son nouvel album Further Complication, et se mit instantanément à se trémousser sur scène dans un style assez curieux qui n'appartient qu'à lui, mais que je pourrais à la limite rapprocher de l'attitude de Christophe Willem, dont il partage la carrure squelettique. Cette espèce de nonchalance de pantin désarticulé contribua grandement au spectacle de près de deux heures qui allait suivre. Ce personnage oscillait sans cesse entre calme désinvolte et énergie bondissante.
La première chanson achevée, il nous expliqua qu'il s'appelait Jarvis, et nous présenta tous les membres de son groupe, pour introduire de façon pertinente Angela, deuxième titre de la setlist. A ce stade, j'avais déjà capté l'ambiance du concert, une sorte de réunion entre copains, où le sentiment de décontraction était si fort, que si d'autres personnes étaient montées sur scène pour faire un boeuf avec lui, cela ne m'aurait pas étonnée plus que ça.
Suivirent beaucoup de nouveautés, (Further Complications, Slush, I Never Said I Was Deep...), mais aussi quelques titres de son album précédent (Big Julie ou Black Magic). La manière de chanter de Jarvis Cocker a cela de particulier qu'il peut donner l'impression de raconter plus de petites histoires que de chanter à proprement parler et pourtant, il n'y a aucun doute sur le fait que sa musique soit du rock'n roll. L'état de sa chemise à la fin du concert en témoigne.
Très charmant, très Anglais aussi, Jarvis Cocker discuta avec son public tout au long de la soirée pour nous conter des anecdotes ou apprendre quelques mots de français, ce qui renforça cette atmosphère chaleureuse et conviviale (la moitié de cette conversation suivante doit être imaginée avec un accent britannique très prononcé) :
- Comment on dit "on board" ?
- "A bord".
- How do you say? "A bord" ?
- Oui
- Cette chanson a été écrite à bord d'un bateau...
Plusieurs personnes dans l'assistance avaient apparemment assisté au travail de Jarvis et de son groupe lors de leur résidence à la Galerie Chappe entre le 5 et le 10 mai derniers et c'est avec une certaine nostalgie qu'il évoqua ces moments privilégiés partagés avec son public. Il faut avouer que l'artiste semble bavard et qu'il doit créer des liens avec les gens assez facilement.
Il paraissait tellement à l'aise sur la scène qu'il avait l'air de ne pas vouloir la quitter et ce n'est qu'après trois rappels, pendant lesquels il nous interpreta une Fuck Song survoltée, et une Disco song qui traîna en longueur et lui donna l'occasion d'utiliser la boule à facettes accrochée au plafond de la salle, qu'il consentit à nous laisser rentrer chez nous. Nous le laissâmes alors nous aussi regagner les coulisses, en nage et apparemment content de sa prestation, sans échanger nos numéros et sans promesses de nous appeler bientôt, mais en espérant tout de même que nous n'aurions pas trop à attendre avant de nous revoir.
(en raison d'un malencontreux oubli d'appareil, les photos illustrant cet article proviennent du blog http://karmacoma.fr)