A 17 ans, on est souvent jeune et con
A 17 ans on est souvent jeune et con
A nouveau concours, nouvelles règles du jeu (celles de Guic' et de son Rock'n Roll Hall of Shame), mais pas de nouvelle tête de turc.
Amy s'en retournera bientôt dans sa tombe quand elle saura qu'après avoir massacré son ultime album, j'ai choisi de sauver un artiste insignifiant du rock français : Damien Saez.
Pour me comprendre un tant soit peu, il faut bien-sûr replonger cette histoire dans son contexte.
Avant l'âge de 17 ans, et avant un certain concert de Ben Harper qui a changé ma vie, j'avais plus ou moins passé mon adolescence à n'écouter que du Hip-Hop. Cela pourrait en soi constituer un aveu assez honteux pour mes pauvres lecteurs qui pensaient naïvement jusqu'alors qu'une fille qui intitule son blog I love rock'n roll avait dans sa prime jeunesse (qui se termine à la fin de la semaine, d'après les critères que j'avais établis à cette époque) passé en revue tous les disques incontournables que peut compter ce genre musical, et mon article pourrait s'arrêter ici. Mais je ne peux pas vous mentir plus longtemps : il n'en est rien.
A 17 ans, j'étais incapable de chanter une seule chanson des Beatles en entier et je n'avais qu'une vague idée de qui étaient les Who. Par contre, je commençais à développer un certain intérêt pour le jeune Damien Saez.
Il était jeune, il était beau, il traitait de sujets qui me touchaient (clivages de générations, suicide, lycée, amour...) et il était convaincant. Il n'en fallait pas plus pour que je le voie cinq ou six fois en concert entre 1999 et 2000, à tel point qu'en plaisantant, je disais souvent que j'avais un peu l'impression à chaque fois d'aller voir un vieux copain. Alors bien entendu, je ne me comportais pas publiquement comme ses vulgaires groupies que je croisais parfois et qui hurlaient son prénom jusqu'à la syncope comme le font aujourd'hui des fans de Tokyo Hotel, mais je pouvais passer des heures à écouter Jours étranges en pleurant dans le noir avec ma colocataire.
Et le pire (car il y a toujours pire), c'est que ça me plaisait ! Je ne trouvais même pas qu'il avait une voix insupportable, ni rien, je ne trouvais pas ses choeurs horribles, ses mélodies pauvres ni ses violons ridicules... Son arrogance et ses poses (Rock'n roll Star) ne me dérangeaient pas le moins du monde, au contraire, je trouvais ça plutôt sexy.
A tel point qu'en 2002, je poussais le vice jusqu'à acheter le double album God Blesse. Cette fois, Damien creusait un peu plus les thèmes de la politique et du sexe (qu'aurait été cet album sans Massoud ?). On aurait d'ailleurs pu penser que sa crise d'adolescence touchait à sa fin, mais ç'aurait été le sous-estimer. Pas encore sceptique, je suis pratiquement sûre que je l'écoutais dans mon walkman avant de me rendre au péril de ma vie ou presque à la manif parisienne anti Le Pen (j'avais pourtant eu quelques doutes en entendant sur Ouï FM Fils de France, où il faisait un peu ce que fait aujourd'hui David Guetta à tout bout de champ, c'est à dire : recycler ses propres titres). Je veux bien admettre que j'étais sans doute un cliché ambulant en 2002, et que je n'avais même plus d'excuses, puisqu'entre temps, ma discothèque rock avait déjà triplé de volume et que je savais à présent qui étaient les Kinks et combien leur musique était géniale, mais la nostalgie fait parfois faire de ces choses... bref.
Peu avant la sortie de ce deuxième opus, j'avais été le voir deux fois à l'Elysée Montmartre en l'espace de trois mois et j'avais été on ne peut plus séduite par la partie piano-voix. Oui, car Damien aime beaucoup le mélodrame. Dans son tee-shirt blanc (Maman côté pile, Baise-moi côté face), il nous offrit du grand Saez, gueule d'enfant capricieux et mépris compris.
Pour l'anecdote, celui que certains accusent de souffrir du syndrome de Louis XIV nous avait fait ce jour-là d'un joli numéro. Lorsque l'une de ses jeunes fans enamourées avait crié son prénom dans la salle, il s'était d'abord arrêté de jouer quelques secondes avant de reprendre sa chanson, l'air boudeur. Mais la fille ne s'avoua pas vaincue :
- Daaaaaaaaaaaamieeeeeeeeeeeeeeeeen !!!!!!!!!
(silence)
(silence)
- Elle est conne cette fille. Elle est vraiment trop conne.
Et il sortit de scène, pour ne jamais revenir.
Et comme il y a toujours pire, j'avais trouvé cette sortie "trop classe" !
J'avais enregistré les magnifiques Thème 1 et Thème 2 (parties 1 et 2) sur mon petit dictaphone et j'aimais me les repasser dans mes moments de déprime. Le manque de cohérence de l'album ne me gênait pas plus que l'horrible plagiat de Radiohead sur Light the Way et j'adorais écouter J'veux qu'on baise sur ma tombe, Saint Petersbourg et Voici la Mort.
Heureusement pour moi, cette période de ma vie ne dépassa pas mes années en -teen et quand la vingtaine me frappa enfin en pleine tête, je rangeai mes disques de Saez dans un tiroir et je ne les avais plus écoutés jusqu'à ce jour.
Ah, ce que la nostalgie peut vous faire faire parfois...
(J'espère que je ne me suis pas complètement décrédibilisée avec cet article et qu'après ça vous me laisserez quand-même pérorer tranquillement sur Quadrophenia.)